Andrés Iniesta raccroche ses crampons. La légende du football espagnol, ancien milieu de terrain de grande classe du FC Barcelone, où il a été formé et a joué durant 22 ans, a officiellement mis un terme à sa carrière de footballeur, lundi 7 octobre. Il l’a annoncé via une émouvante vidéo diffusée sur ses réseaux sociaux.
Trente-huit titres dont deux Euros et un Mondial
Libre de tout contrat depuis son départ des Émirats arabes unis cet été, Andrés Iniesta entretenait l’espoir de trouver un nouveau challenge à 40 ans, mais devrait désormais s’orienter vers une carrière d’entraîneur.
À l’occasion de sa retraite, retour sur les faits marquants de son immense carrière.
Des larmes et des posters
Fuentealbilla compte environ 2 000 habitants. Lorsque le jeune Iniesta, âgé de 12 ans, la quitte pour Barcelone, une métropole de 1,6 million d’habitants, il « pleure à chaudes larmes ». À La Masia, les choses ne s’arrangent pas. Timide de nature, il est gêné par une pigmentation de la peau qui le rend pâle. « Je pleurais tous les soirs pour m’endormir », raconte-t-il. « Je voulais rentrer chez moi, mais mon père n’a pas arrêté d’essayer de me convaincre de rester. »
Là-bas, il accroche des posters de l’actrice hollywoodienne Catherine Zeta-Jones et du capitaine du FC Barcelone, Pep Guardiola, au-dessus de son lit. D’ailleurs, quand ce dernier le voit jouer pour la première fois, il déclare : « J’ai vu un gamin de 14 ans qui lit mieux le jeu que moi ». Guardiola envoie alors à Iniesta une photo dédicacée adressée au « meilleur joueur que j’aie jamais vu ». Enthousiasmé, le gamin commence à prendre confiance.
Premières impressions
En février 2001, Iniesta est convoqué pour s’entraîner avec l’équipe A de Barcelone. L’inquiétude se transforme en panique lorsqu’il se perd, mais Luis Enrique est chargé de retrouver le jeune homme de 16 ans. Une fois sur la pelouse, personne ne se rend compte qu’il est nerveux. Guardiola prend à part Xavi, alors âgé de 21 ans, et lui dit : « Souviens-toi de ce jour, le jour où tu as joué pour la première fois avec Andrés. Vous allez me mettre à la retraite. Ce garçon va tous nous mettre à la retraite. »
Une star internationale
Iniesta, aux côtés de Fernando Torres, s’illustre lors de la Coupe du Monde U-17 de la FIFA™ en 2001, mais une défaite 4-2 face à une équipe d’Argentine composée de Pablo Zabaleta, Javier Mascherano et Carlos Tevez entraîne l’élimination de l’Espagne dès la phase de groupes. L’Albaceteno est ensuite l’un des grands artisans de la deuxième place de l’Espagne à la Coupe du Monde U-20 de la FIFA™, derrière le Brésil.
Non merci, Madrid
Le Real Madrid tente de recruter Iniesta en 2007. « C’était un phénomène », a déclaré leur ancien directeur Predrag Mijatović. « Il avait une clause libératoire très élevée, mais nous le voulions vraiment et nous étions déterminés à la payer. »
Heureusement pour les Culés, Iniesta dément son départ : « Quand je dis que je veux prendre ma retraite au Barça, je le dis de tout mon cœur. Ce souhait passe avant tout le reste. »
Iniesta finit par accepter un nouveau contrat avec le Barça en 2008, avec une clause de rachat portée de 60 à 150 millions d’euros.
L’extase en Autriche
En 2008, Iniesta joue un rôle essentiel dans la conquête par l’Espagne de son premier titre de championne d’Europe en 44 ans. Il est le seul membre de l’équipe de Luis Aragonés à débuter tous les matches, est élu joueur du match lors de la demi-finale contre la Russie et éblouit lors de la victoire finale contre l’Allemagne au Ernst-Happel-Stadion de Vienne (1-0).
L’homme fort
Si la contribution d’Iniesta au triomphe de Barcelone en Ligue des champions de l’UEFA en 2005/06 n’a été que partielle, sa contribution à la gloire de Barcelone trois ans plus tard fut déterminante. Un but improvisé de l’extérieur de la surface, dans les arrêts de jeu, permet au Barça de remporter la demi-finale face à Chelsea.
« Je ne suis pas obsédé par Messi », déclarait alors Sir Alex Ferguson, l’entraîneur de Manchester United, avant la finale. « C’est Iniesta qu’il faut arrêter. » Malheureusement pour l’Écossais, ses troupes n’ont pas pu le faire, car il a été à l’origine du premier but et a brillé tout au long de la rencontre à Rome (2-0).
Au fond du gouffre
La mort soudaine de Dani Jarque, son ami intime et ancien coéquipier dans les équipes de jeunes espagnoles, en août 2009, anéantit Iniesta. « Je suis tombé dans une profonde dépression », raconte-t-il. « J’étais vraiment, vraiment mal en point. »
Ses problèmes s’aggravent sur le terrain. Iniesta, en effet, est miné par les blessures tout au long de la saison et subit une rupture totale du muscle biceps fémoral droit à la mi-avril, quittant le terrain en larmes. Vicente del Bosque, qui devait désigner l’équipe d’Espagne pour la Coupe du Monde de la FIFA™ le mois suivant, et Guardiola, l’entraîneur du FC Barcelone, considèrent alors tous deux qu’il est extrêmement improbable qu’il prenne l’avion pour l’Afrique du Sud.
Et pourtant, Iniesta se rétablit rapidement, mais ne peut jouer qu’une demi-heure avec les Blaugrana avant la fin de la saison, au cours de laquelle il n’a inscrit qu’un seul but en 40 matches. Malgré cela, Del Bosque l’inclut dans son équipe, admettant qu’il s’agit d’un « gros risque » et qu’il le prend uniquement parce qu’il s’agit d’Iniesta. Le joueur admet par la suite qu’il s’est rendu à la Coupe du Monde avec sa confiance au plus bas.
Le désastre de Durban
Favorite avant le tournoi, l’Espagne perd ce statut dès le premier obstacle. Si la défaite 1-0 face à la Suisse n’est pas assez dévastatrice – aucune équipe n’avait auparavant perdu son match d’ouverture avant de remporter une Coupe du Monde – son numéro 6 se tord de douleur sur la pelouse du Moses Mabhida Stadium à la suite d’un choc avec Stephan Lichtsteiner.
« J’ai pensé que c’était fini », a déclaré Iniesta. « Je n’ai pas voulu faire d’examens le lendemain parce que j’étais sûr d’être dans un avion pour Barcelone. »
Iniesta manque donc la victoire 2-0 sur le Honduras et pense que son tournoi est terminé. C’est sans compter sur la magie du kiné espagnol. « À un moment donné, j’ai travaillé sur un point précis et pendant que je le faisais, il s’est relâché », explique Raúl Martínez. Iniesta d’ajouter : « Il a appuyé sur le bouton et le résultat a été immédiat. J’ai senti que le muscle s’était relâché. J’ai bougé et couru librement, ce que je n’avais pas fait depuis longtemps. Grâce à lui, j’ai recommencé à jouer comme je le voulais. »
Le point culminant de la carrière
L’Espagne doit s’imposer face à une redoutable équipe chilienne lors de son dernier match du Groupe H pour s’assurer une place en huitièmes de finale. Le but d’Iniesta permet à l’Espagne d’y filer avant qu’il ne s’illustre par la suite. Au cœur du tiki-taka espagnol, Iniesta s’envole jusqu’à la finale à Soccer City.
Cent seize minutes sans but se sont écoulées. Iniesta, meneur de jeu plutôt côté gauche, apparaît contre toute attente à droite, à un poste qu’un attaquant occuperait habituellement. « On s’est demandé ce qu’il faisait là », sourit Xavi.
Iniesta s’explique : « Je savais exactement comment je devais tirer et, en même temps, je savais que je devais être très rapide. Le destin a fait que le ballon est allé là où il devait aller. » C’est ce but qui a couronné l’Espagne championne du monde après 80 ans d’efforts.
L’hommage
Iniesta n’avait pas prévu de rendre hommage à son ami disparu. « Alors que je sortais m’échauffer pour la finale, l’idée m’est venue », explique-t-il. « J’ai demandé à un membre de la délégation de faire un t-shirt avec un message pour Dani. Je voulais lui rendre hommage. »
Lorsque sa frappe atteint le petit filet inférieur gauche, Iniesta, habituellement discret, arrache son maillot, laissant apparaître un t-shirt avec le message « Dani Jarque siempre con nosotros » (Dani Jarque toujours avec nous
« Ce moment fut magique », a déclaré Iniesta en essuyant une larme. « C’était quelque chose que je voulais vraiment faire pour Dani, pour sa famille. C’était la scène parfaite, le moment idéal pour lui rendre hommage. »
Une idole nationale Iniesta reçoit de nombreuses ovations de la part des supporters des équipes adverses au cours de la saison qui suit Afrique du Sud 2010. Les supporters de l’Espanyol lui sont reconnaissants d’avoir remporté le trophée le plus prestigieux du football espagnol et d’avoir rendu hommage à leur ancien capitaine Jarque.
Injouable Iniesta est sans doute au sommet de son art lors de l’EURO 2012 de l’UEFA. Il est même désigné joueur du match lors de trois des six sorties de l’Espagne, électrise la finale contre l’Italie (4-0) et est sacré meilleur joueur du tournoi.
L’accueil du Bernabéu Après une démonstration cosmique lors d’une victoire 4-0 au Real Madrid en 2015, Iniesta devient le troisième joueur du Barça à recevoir une ovation du public du Bernabéu. Cette distinction avait été auparavant accordée à Diego Maradona et Ronaldinho en 1983 et 2005 respectivement.
Le dieu Barça Iniesta quitte le Camp Nou en 2018 – 22 ans après avoir rejoint le club alors qu’il était pré-adolescent – comme l’un des plus grands joueurs de tous les temps. Au total, il a remporté 32 titres, dont quatre Ligues des champions et trois couronnes lors de la Coupe du Monde des Clubs de la FIFA™.
Entendu
« Les gens l’ont comparé à moi et je vois les similitudes. Et laissez-moi vous dire que c’est un honneur pour moi. » Zinedine Zidane
« Il est comme Harry Potter – un, deux, trois, « pouf », il dépasse le joueur. C’est comme s’il avait une baguette magique. » Luis Enrique
« Il faisait déjà des dribbles impossibles dans le ventre de sa mère. » Pep Guardiola
« On me demande toujours si c’est Messi ou Ronaldo le meilleur. Pour moi, la réponse est très claire : Andrés Iniesta est le numéro un. Il est capable de réaliser des choses encore plus difficiles. C’est un véritable magicien. » David Silva
« Quand j’ai dit qu’Iniesta était le meilleur joueur du monde il y a quelques années, tout le monde a ri. Aujourd’hui, tout le monde sait que j’avais raison. » Samuel Eto’o en 2009
« Techniquement, c’est le joueur le plus parfait que j’aie jamais vu. Il fait en sorte que les choses les plus difficiles aient l’air si faciles. Il est comme Roger Federer : il réussit des choses exceptionnelles et ne transpire pas. » Vicente del Bosque
Messi honore le phénoménal Iniesta
« Tu es l’un des coéquipiers les plus charmants avec qui j’ai eu le plaisir de jouer. Tu manqueras au ballon et à nous aussi ! Je te souhaite toujours le meilleur, tu es phénoménal », a publié le numéro 10 argentin ces dernières heures.
Les deux hommes ont été des compagnons durant de longues années au sein de la maison catalane.